Dans le Conseil des Ministres du mercredi 5 février 2025, trois textes ont été adoptés relatifs à la taxe sur l’accès au réseau des télécommunications, payée par les opérateurs, à la taxe sur les boissons alcoolisées et à la contribution sur les recharges et sur les transactions de mobile money. S’ils ont pour objectif de répondre au déficit budgétaire, la population réclame à son tour une réduction du train de vie de l’État pour y adhérer.
Le communiqué du Conseil des ministres indique : « Une modification de 5 à 7 % de la taxe dénommée “Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications ouvert au public”, cette loi de 2006 puis modifiée en 2012, concerne les entreprises disposant d’une licence de télécommunications au Mali. Le second texte concerne une ordonnance pour instituer des taxes et des prélèvements divers sur certaines activités. Le premier, c’est la contribution spéciale de solidarité. »
Mais face à la grogne sur les réseaux sociaux, le ministre des finances, Alousseini Sanou, a dû improviser une intervention télévisée pour donner plus d’explications. Selon ses explications, la contribution spéciale de solidarité est assise « sur le chiffre d’affaires mensuel et hors taxes, sur la valeur ajoutée des entreprises et hors taxes, et sur la valeur ajoutée des entreprises qui sont soumises à l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux ou à l’impôt sur les sociétés. » Le deuxième volet du même texte inclut une taxe spéciale de consommation sur certains produits, notamment les boissons alcoolisées.
Selon l’économiste Modibo Mao Makalou, la contribution spéciale de solidarité concerne généralement 0,5 % du chiffre d’affaires des sociétés.
Le troisième texte, qui continue de faire couler beaucoup d’encre, touche directement les consommateurs des services de télécommunications. Il prévoit un prélèvement spécifique sur la consommation des services commerciaux des communications téléphoniques ainsi que sur les opérations de retrait dans le cadre des transferts d’argent via le mobile money. Selon le Premier ministre Abdoulaye Maïga, « Sur une recharge de 1000 F, 100 F iront dans le fonds de la souveraineté. » De plus, les frais de retrait dans le cadre des opérations de mobile money passeront de 1 % à 2 % sur la valeur du montant retiré.
« Gouverner, c’est l’exemplarité »
Sous le post Facebook de la Primature du Mali, suite à un point de presse sur ces textes, les internautes interpellent. « Le leader est le premier sacrifié et le dernier servi. Est-ce le cas du Mali actuellement ? », s’interroge Alpha Boubacar Koné dans les commentaires. Un autre commentaire ajoute : « Réduisez votre train de vie, réduisez vos salaires, renoncez à vos fonds de souveraineté, diminuez le nombre des ministres comme cela a été demandé lors des assises et du DIM (Dialogue inter Maliens), sinon nous ne serons jamais d’accord avec vous. Vous êtes nos autorités, mais nous ne sommes pas d’accord avec cette mesure. »
Abdoulaye Keita, un autre internaute, renchérit : « Il est temps d’arrêter cette arnaque. L’exemple du Burkina Faso devrait vous servir de très bonne leçon. Le président Ibrahim Traoré prend le salaire d’un capitaine et non d’un président, le CNT au Burkina Faso est bénévole, le gouvernement du Faso n’a pas le même salaire que le gouvernement démocratique, mais au Mali, hélas ! » regrette-t-il. Amadou Dembélé se désole : « Nous voulons des chefs exemplaires, qui réduisent leur confort pour le bonheur du peuple. Gouverner, c’est l’exemplarité. » conclut-il.
Une contribution volontaire de 2 milliards
Selon le ministre de l’Économie et des Finances, Alousseini Sanou, depuis le début de la transition jusqu’à nos jours, des Maliens, constatant les efforts fournis pour la lutte contre l’insécurité et la subvention des produits de base, ont décidé de contribuer volontairement. « Ce que nous avons collecté s’élève aujourd’hui à 2,5 milliards. » Un internaute utilisant le pseudonyme Samprin Bob, qui a suivi cette intervention du ministre, s’indigne en ces termes : « Il parle de 2 milliards de contributions volontaires, alors pourquoi ne pouvaient-ils pas rester dans ce système de volontariat au lieu d’imposer encore et encore à une population qui tire le diable par la queue ? » Il ajoute : « Loin de moi l’idée d’être réfractaire au paiement des impôts et taxes, mais je trouve que ni le timing ni le contexte ne plaident en faveur de telles pratiques actuellement. »
Surmonter le déficit budgétaire
Au cours du point de presse organisé par le Premier ministre et le ministre de l’Économie et des Finances, M. Sanou a rappelé la réduction de l’appui budgétaire dont bénéficiait le Mali avant le « coup de force » de 2020. « De 2022 à 2024, nous n’avons reçu que 30 milliards d’appui budgétaire, et cela de façon sectorielle », regrette le ministre des Finances. Selon l’économiste Modibo Mao Makalou, l’État compte augmenter les revenus fiscaux de 263 milliards FCFA en 2025. « En 2024, le déficit budgétaire du Mali a atteint 683 milliards FCFA, et cette année, ils veulent que nous atteignions un déficit budgétaire de 581 milliards FCFA », explique-t-il. À en croire le ministre de l’Économie et des Finances, rien qu’avec le projet de contribution spéciale de solidarité et une taxe spéciale de consommation sur certains produits, notamment les boissons alcoolisées, « nous aurons des recettes budgétaires autour de 60 milliards de FCFA chaque année. » L’ancien Premier ministre Moussa Mara, qui a réagi dans une note vocale largement diffusée sur la toile, reste sceptique : « Si les gens traversent une crise économique aussi grave, ils vont probablement réduire leurs dépenses, notamment dans des domaines comme la communication, qui ne sera certainement pas au même niveau que l’année dernière », prévient-il. « Il n’est donc pas certain que les recettes espérées par les autorités soient atteintes. » Pour le président d’honneur du parti Yelema, il ajoute : « Peu importe les taxes imposées aux compagnies, celles-ci finiront par les répercuter sur la population. Ainsi, c’est le consommateur final qui en paiera le prix. »