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Centre du Mali : 36 morts en 18 jours, les populations de Timissa et Lanfiala laissées à la merci de la terreur

Centre du Mali : 36 morts en 18 jours, les populations de Timissa et Lanfiala laissées à la merci de la terreur

Entre attaques meurtrières répétées, fractures communautaires et délitement de l’autorité étatique, la situation dans le cercle de Djenné illustre l’enlisement dramatique de la crise sécuritaire au Mali.

Une vague de violence sans précédent

Du 1er au 18 mai 2025, six attaques successives ont endeuillé les localités de Timissa, Lanfiala, Boundourè et d’autres villages du centre du Mali. Le bilan est effroyable : 36 morts, majoritairement des civils, des habitations réduites en cendres, du bétail pillé, et des milliers de personnes déplacées. Le 13 mai, un véhicule transportant des forains a été pris pour cible : les femmes ont été épargnées, les hommes exécutés. L’attaque a eu lieu à moins de deux kilomètres d’un poste de gendarmerie resté muet.

« Depuis quatre ans, nous vivons au rythme des tirs », confie un habitant. À Fatoumadaga, Korê, ou Soye, la peur est devenue une compagne de chaque instant.

L’armée invisible, les groupes armés omniprésents

À proximité de chaque zone attaquée, des camps militaires ou des postes de sécurité sont censés dissuader les assauts. Pourtant, aucune riposte, ni même une intervention dissuasive n’a été enregistrée. Selon plusieurs témoins, les patrouilles ne sont plus organisées que lorsqu’elles sont accompagnées de forces étrangères – notamment russes – dont la présence s’est considérablement réduite ces derniers mois.

Ce vide sécuritaire a laissé le champ libre aux groupes armés, qui opèrent désormais en toute impunité, exécutant sommairement, rackettant et terrorisant les populations. Le silence des autorités face à ces tueries régulières nourrit l’amertume. « L’État nous a oubliés », lance un ancien chef de village.

Dozos, accords de survie et méfiances croisées

Dans cette débâcle, les Dozos – chasseurs traditionnels – apparaissent comme les derniers remparts encore actifs. Mais leurs moyens restent dérisoires face à des groupes bien armés et organisés. Cette asymétrie a provoqué des choix tragiques dans certains villages : pour préserver la paix, des accords tacites ont été passés avec les groupes armés.

Ceux qui refusent de céder à cette logique suspectent les autres de collaboration. Résultat : un climat de paranoïa généralisée, des marchés paralysés, et même les échanges les plus élémentaires – semences, carburant, vivres – deviennent suspects.

Une détresse humanitaire ignorée

Le drame va au-delà des chiffres. La déscolarisation massive, les déplacements forcés, la famine rampante et la rupture du tissu social menacent désormais la survie même de ces communautés. « Ce sont ceux qui sont partis en aventure qui se cotisent pour nous envoyer un peu d’aide. L’État, lui, ne fait rien », soupire une mère de famille réfugiée.

L’appel des populations est simple mais profond : une armée présente, professionnelle et respectueuse ; des enquêtes sur les exécutions ; un plan d’urgence pour éviter l’extinction lente d’un territoire entier.

Un cri dans le vide

Au cœur du centre du Mali, la terreur s’installe là où la République recule. À Timissa, à Lanfiala, à Boundourè, les vivants enterrent les morts dans le silence d’une nation indifférente.

« Nous ne voulons plus de discours. Nous voulons la paix, la justice, et la vie. »