La fin d’une illusion collective
Le Bénin traverse un moment politique d’une intensité particulière. Entre calculs, trahisons et déchirements internes, la scène politique s’est transformée en théâtre d’ombres où les principes s’effacent derrière les intérêts. Nous sommes entrés dans le règne du politiquement correct, cette realpolitik qui justifie tout et ne répare rien. Quelles qu’en soient les causes, ce qui vient de se produire restera une leçon, à la fois douloureuse et nécessaire.
Les partis politiques : des coquilles sans âme
Ce que cette crise révèle, c’est la vacuité de certaines formations politiques. Un parti ne se résume pas à un simple rassemblement d’hommes, à une caisse bien garnie ou à des affinités de circonstance. Car il y aura toujours plus riche que vous, plus influent, plus rusé. Un parti véritable se construit sur des convictions profondes, une idéologie assumée et partagée, une union sacrée autour d’une cause commune. C’est ce lien, entre la base, les idées et la vision, qui fonde la légitimité politique. Et quand ce lien se délite, tout s’effondre.
Mais la vérité est plus crue encore : aucune réforme institutionnelle ne peut corriger la nature des hommes. Tant que ceux qui prétendent diriger n’auront pas intégré la responsabilité morale du pouvoir, tout système finira par reproduire les mêmes déviances.
Une faillite morale avant d’être politique
Ce que nous observons n’est pas tant l’échec d’un système partisan, c’est celui des hommes et des femmes qui le composent. La situation actuelle sonne le glas d’un cycle politique marqué par l’immaturité, la démagogie et les ambitions personnelles. Nos débats se vident de sens, les alliances se font et se défont au gré des intérêts, et les promesses électorales s’évanouissent au lendemain des scrutins. Sous nos tropiques, elles n’engagent décidément que ceux qui y croient encore.
Le peuple, grand absent de sa propre histoire
Mais il serait trop facile de rejeter la faute sur les seuls dirigeants. Ce qui se joue ici, c’est aussi l’échec d’un peuple entier : un peuple qui ne sait pas encore exiger, qui se résigne là où il devrait s’indigner, qui observe là où il devrait participer. Nous avons fait de l’indifférence une philosophie nationale. Nos débats publics sont désertés, nos questions restent sans réponses, nos exigences se limitent à la survie quotidienne. Et pourtant, la démocratie n’existe que par l’énergie citoyenne de ceux qui y croient.
L’heure d’un réveil collectif
Ce qui vient de se produire doit être entendu comme un appel à la conscience. C’est une invitation à réinitialiser nos mentalités, à redéfinir le sens de l’engagement politique et civique. La jeunesse béninoise, riche de talents et d’idées, doit cesser de suivre des hommes pour suivre des causes. Les hommes passeront, les idées resteront. Nul n’est indispensable ad vitam aeternam. Ce que quelqu’un a fait de bien, un autre peut le faire en mieux.
Il est encore temps
Il est encore temps de se former, de s’éduquer politiquement, de penser autrement la gestion publique. Il est encore temps pour nos dirigeants, nos élus, les militants, les acteurs acteurs de la société civile de changer de méthode, de remettre la qualité morale et intellectuelle au centre de la vie publique. Notre développement ne se mesurera pas seulement à nos routes ou nos ponts, mais aussi à la valeur des femmes et des hommes qui font vivre la Nation.
Mais tout cela restera vain si chacun lutte encore pour survivre à sa faim. Tant que la dignité sera un luxe, la conscience restera un privilège. Il est temps d’œuvrer pour une génération capable de rêver et d’agir pour un Bénin de paix où nos convictions politiques, quelles qu’elles soient, se mettent enfin au service du peuple, unique détenteur légitime du pouvoir.
Conclusion : le vrai chantier
Au fond, l’échec actuel n’est ni celui d’un parti, ni celui d’un homme. C’est notre échec collectif. Et comme toute autopsie, celle-ci ne cherche pas des coupables, mais des leçons. Car aucune alternance, aucune victoire, aucune réforme ne vaudra tant que nous n’aurons pas gagné la bataille de la conscience.



